Furtive retrouvaille

Lorsqu'elle le croisa, elle ne put détacher son regard du sien. Il marchait, en la regardant, une femme au bras. Elle compris qu'il était marié, en fin de compte. Qu'il lui avait sans doute menti. Mais dans ce regard, on pouvait presque voir ce qu'ils avaient vécu il y a peu de temps.

 

Ils s'étaient d'abord rencontrés, dans un bar. Elle était assise, commandait un huitième ou neuvième verre, avait les yeux rougis de pleurs. 

Puis il était arrivé, s'était assis à côté d'elle, sans y faire vraiment attention. Il avait commandé un verre de whisky.

Et elle s'était remise à pleurer, et il avait fait attention à elle. 

"Pourquoi buvez-vous ?" lui avait-il demandé. 

Perturbée par l'alcool, et lui avait débalé ses dernières vingt-quatre heures. Elle s'était levée, comme d'habitude, avait pris son petit-déjeuner, et était partie au travail avant que son petit ami se réveille. De bonne humeur, elle avait voulu le laisser dormir. Elle était venue se saouler dès qu'elle avait appris qu'il était passé sous les roues d'un camion. Il ne s'en était pas sorti. 

"Et vous ?" lui demanda-t-elle alors. "Pourquoi êtes-vous venu ?"

Très bonne question. Pourquoi venait-il, à présent ? Elle ne viendrait plus, à moins d'un miracle. Elle était couchée sur un lit d'hopital, chambre 385. Il n'avait jamais osé aller lui parler. Mais maintenant il était trop tard. Elle allait mourir. Donc il ne venait plus que pour oublier sa tristesse, et non plus pour observer la jolie serveuse du bar. 

"En fin de compte, on se ressemble beaucoup. On vient ici pour oublier."

 

Ils étaient sortis dehors, sous une pluie battante. Lorsqu'elle s'éloigna, il la rattrappa par le coude et l'embrassa. Pas un baiser d'amour, loin de là. Juste un baiser de réconfort. Il était seul, elle l'était aussi. 

Il l'emmena dans sa voiture, ils s'installèrent sur les sièges arrières. Et ils firent l'amour. Cela n'avait rien de passionnel,  aussi elle n'en gardera qu'un vague souvenir - peut-être dû à l'alcool. Lorsqu'il s'était retiré, il avait pris le volant et raccompagné chez elle. Puis elle avait oublié cette soirée et avait repris une vie normale, seule. Elle ne connaissait même pas son prénom. 

 

Et maintenant, dans ce parc, en pleine nature, cuisant sous le soleil, elle le croisait, et tout lui revenait en mémoire. Puis il détourna son regard, et ils continuèrent leur route, sans se retourner.

 

 

 



27/03/2011
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