Chapitre 8

Je mis mon sac sur mes épaules, et pris mes clefs sur mon bureau. Ma punition était levée, mais aujourd’hui était le jour j, le fameux jour, enfin bref…le jour de la rentrée. Sur le chemin du hangar, je pensais à Stephen, et j’espérai qu’un miracle se produise pour qu’il soit là, ce matin, devant le portail du lycée, bien que mes espoirs étaient très, très faibles.  Mes grands-parents et moi nous avions été voir le lycée, et acheter ces prétendus livres dont j’avais besoin. Je me trouvais face au hangar et tapai le code sur le clavier à chiffres. La porte s’ouvrit, et ma voiture m’attendait, sagement, comme un chien attend son maître derrière la porte. Je m’installai derrière le volant – ce qui était devenu une habitude – et démarrai – je ne ma faisait contrairement toujours pas au si silencieux ronflement du moteur.

J’arrivai sur le parking après une bonne dizaine d’élève. Il faisait froid aujourd’hui. J’avais mis un col roulé beige avec un jean et des baskets – même moi, en me regardant dans le miroir, je ne me reconnaissais plus – et quand je descendis de ma voiture, ils me dévisagèrent tous. En regardant leur voiture, je compris : ils n’avaient que des vieilles voitures qui faisaient un gros effort pour réussir à arriver jusqu’au lycée. Une seule voiture était capable d’égaliser la mienne : une décapotable – non mais franchement, par un temps pareil – grise avec pour peu écrit en gros « regardez ma grosse voiture » était garée près de l’entrée du lycée. Mais mes pensées s’arrêtèrent net quand je vus qui était à l’intérieur. C’était lui. Ce superbe mannequin était assit derrière le volant de cette superbe décapotable grise – comme c’est bizarre que j’ai changé d’avis sur cette voiture aussi vite – et aussitôt, comme une folle, je lui adressais de grands signes en braillant comme un animal. Il avait déjà senti ma présence – il avait un de ses sourires en coin comme au cinéma – et se retourna dès que j’avais commencé à agiter les bras. Il descendit de sa voiture et se dirigea vers moi. Je fus tout de suite pris de doutes : l’épisode de la ruelle m’avait littéralement effrayée. Il continua d’avancer, bien que moi je m’étais arrêtée.

« Bonjour, me dit-il comme si vraiment rien ne c’était passé. Je suppose que tu vas au secrétariat. Viens, je vais te montrer où c’est. »

« Je t’aurai. ». Cette phrase revenait sans cesse en moi, à chacune de ses paroles. Il me savait méfiante. A chaque pas, il se rapprochait un peu plus de moi, comme si il voulait que je lui fasse confiance. Mais cela n’arriverait pas. Cela n’arrivera jamais.

Nous nous approchions du secrétariat, qui était assez grand, mais pas assez à mon goût. J’ouvris la porte – c’est là que je me rendit compte que Stephen manquait tout particulièrement de galanterie – et une dame, assez vieille, nous regarda longuement avant de nous dire de nous approcher. Stephen s’assit dans un fauteuil de ce bureau défraichit et la mamie me dit d’approcher. J’approchai donc lentement du comptoir, et la secrétaire me donna quelques papiers que je devais faire signer par tous mes professeurs. Je sortis, Stephen sur mes talons. Je regardai mon emploi du temps : je commençai par maths.

« Moi je commence par espagnol, me dit Stephen. Je te conduis jusqu’à ta salle et puis je m’en vais.

- Je suis capable de trouver ma salle toute seule, lui dis-je avec une voix pleine de reproches.

- Ce n’est pas pour cela que tu m’en veux. »

Il avait dit ça comme si il savait ce qu’il disait, comme s’il ne faisait que l’affirmer. Mais il avait raison sur ce point. Je lui en voulais car il me cachait quelque chose. Et je comptais bien le faire parler, un jour ou l’autre.

« Non, tu as raison, je t’en veux pour autre chose, lui lançais-je. L’autre jour en centre-ville, tu as été bizarre, ton comportement a été…inhumain. Tu as été tellement…bizarre que je n’ai fait que penser à toi durant tout le reste des vacances. J’ai rêvé de toi aussi. Tu n’avais d’ailleurs pas l’air d’un ange. »

Il me regardait, hébété, et je me suis surprise moi-même de la facilité avec laquelle je déversais mes mots. Je n’avais aucun mal à lui dire en face ce que je pensais. Et cela le déconcertait, visiblement.

« Tu vas être en retard. » me dit-il, avec ce visage sans expression que je commençai à voir de plus en plus souvent, et je savais déjà que je ne m’y ferais jamais.

Je me rendis donc dans ma salle, et ma voisine s’appelait Lucy. Elle était peu bavarde – ce qui m’ennuya – mais elle était très gentille. Elle était brune, et ses cheveux s’harmoniait en une mélodie de boucles. Elle avait les yeux verts, sa peau était légèrement mate. Elle devait être de Californie, comme moi – sauf que moi j’étais très, très pâle. Le prof nous rappela – ou plutôt me rappela – à l’ordre plusieurs fois durant le cours. Quand la cloche sonna, Lucy et moi nous précipitâmes dehors. Elle avait espagnol, j’avais anglais. Je pris mon plan, et n’eut aucun mal à trouver ma salle. J’étais assise à côté d’une fille qui s’appelait Giulia. Nous discutâmes durant tout le cours. J’appris qu’elle était italienne de sang, mais qu’elle était née à Los Angeles. Ses parents ne supportant pas toutes ces célébrités qui passaient dans le coin, ils ont déménagé ici, à Staumon. Je m’aperçu qu’elle était comme la Sophia d’avant : en noir, botte, jupe, corsage, ainsi que le rouge-à-lèvres noir et l’eyeliner.  Elle m’apprit que les Cowley – famille de Stephen – étaient arrivés à Staumon il y a environ 3 ans. Wilma, sa mère, était esthéticienne au centre-commercial. Henry, son père, était dentiste, et avait son propre cabinet – je me rappelai alors avoir vu, lors mon après-midi en centre-ville que j’avais aperçu un truc comme « Cowley, le paradis des dents ». Ashley, sa sœur, avait quatorze ans – je m’aperçu alors que je ne connaissais même pas l’âge de Stephen – et était très avancée pour son âge. Elle était au lycée de musique près de Staumon, celui dont Stephen m’avait parlé. Fabrice, son frère, avait vingt-et-un ans, et étudiait à l’université de Harvard. Je m’aperçu alors que les Cowley était une famille de doués.

Giulia était assez mystérieuse dans son genre. Elle parlait beaucoup, aucun problème de ce côté, mais elle semblait tout de même assez distante envers ses amis. Je ne m’en aperçu que lorsqu’à la cantine, nous nous asseyions qu’avec trois autres personnes : Lucy, ma voisine de maths, Alex, qui me dévisageai comme si j’étais un monstre, et Josh, qui ne faisait rien de particulier. Stephen – que je remarquai tout de suite dans la cantine – était assis avec sa bande de potes habituelle, je suppose. Il y avait trois filles et seulement un garçon en plus de Stephen. Ses amis étaient assez bizarres : tous les mêmes yeux, tous les mêmes cheveux, seule la forme de leurs visages et leurs expressions permettaient de les différencier.

« Je croyais que Stephen n’avait qu’une sœur et un frère ? dis-je à Giulia, qui était assise à côté de moi.

- Biologiquement. Mais Wilma et Henry ont décidé d’adopter plusieurs autres enfants. Ne me demande pas pourquoi, je n’en sais rien. Je sais juste qu’ils sont trop jeunes pour avoir eu Fabrice et Stephen, et personnellement, je pense qu’ils ont tous les deux été adoptés. Mais bon, ça ne me regarde pas. Les autres ont le même âge que Stephen.

- Et quel âge a-t-il ? demandai-je.

- Dix-sept, je suppose, me répondit-elle.

- Eh, vous deux arrêtez de mater les Cowley, nous lança soudain Josh. Il y a quand même des mecs plus beaux à notre table, non ? »

Visiblement, il parlait de lui – et un tout petit peu d’Alex, je pense – et franchement, je ne trouvais mon compte dans aucun des deux. Peut-être qu’eux deux mélangés aurait fait l’affaire, mais séparément…J’émis un petit toussotement qui fit comprendre à Josh qu’il ferait mieux de se taire avant qu’on ne le vire de la table. Lucy, qui était plutôt timide comparée au reste de notre troupe, me regarda. Je décidai alors de lui parler :

« Au fait, Lucy, tu es d’ici ? (ne cherchez pas d’où venait cette phrase, c’est la première à laquelle j’ai pensé)

- Moi, euh, non, dit-elle en rougissant, et je pense qu’il fallait qu’on s’y habitue. Je viens de Floride, de Miami exactement. Mais parents sont originaires de Staumon, mais ils ont fait leurs études à Miami. Ils m’ont eu par…accident. Ils sont tout de suite revenus à Staumon.

- Et toi alors, me demanda Alex, tu viens d’où ?

- Moi, euh…eh, bien…mes parents sont morts, et je vis chez mes grands-parents.

- Attends, tu veux dire que tu es la petite fille des Weert ? s’exclama Josh.

- Bah oui, pourquoi ?

- Elle t’appartient cette Mini-Cooper flambant neuve sur le parking ? (je faillis m’étouffer).

- Euh, oui. »

Et cette discussion s’arrêta là. Lucy – ce qui m’étonna d’elle – la relança aussitôt :

« Tu crois qu’on pourra venir chez toi ce week-end ? »

J’acquiesçai d’un signe de tête. Décidément, mes grands-parents me cachaient des tas de choses (comme leur popularité ici, ou encore ce secret que je tachais de découvrir). Giulia m’indiqua du doigt la pendule du réfectoire. J’avais mon dernier cours de la journée dans cinq minutes, c’était de l’histoire. Une heure et demie à me tourner les pouces, en gros. Je pris mon plateau, me levai, suivie de près par Lucy et Josh, eux-mêmes suivis de Giulia et Alex. Je vidai mon plateau et sortis dehors. Nous nous dirigions vers nos salles, tranquillement, lorsque quelqu’un m’interpela :

« Eh, Sophia ! »

Naturellement, je reconnu aussitôt cette voix : c’était Stephen. Les autres me regardèrent d’un air un peu « tu le connais ? », et j’acquiesçais. Je me retournai, me rendant très bien compte que les autres partirent à l’approche de Stephen, sauf Giulia – décidément, elle était vraiment très mystérieuse – et Stephen arriva près de moi.

« Tu as histoire, je me trompe ? me demanda-t-il.

- Euh, oui, dis-je avec une timidité mêlée de reproche – il ne m’avait toujours pas donné une explication en ce qui concernait l’histoire du centre-ville. Et toi, tu as quoi ?

- Pareil. Et, si je ne me trompe pas, Giulia aussi a histoire. »

Elle acquiesça. Voilà pourquoi elle était restée. Nous nous dirigeâmes vers notre salle, tous les trois, moi au milieu. Giulia m’agrippai le bras, et Stephen était tout simplement à mon côté. Je devais être rouge comme une tomate. Nous arrivâmes juste à temps en histoire. Giulia et Stephen allèrent rejoindre leur place, et je vis que la seule place libre était à côté de lui. Mme Gouet me dit – forcément – d’aller m’asseoir à côté. Il était visiblement ravi, pas moi. J’allais, pendant tous les cours qui allaient suivre, être confondue avec une tomate tellement j’allais rougir, j’en étais sûre.

Tout à coup, en plein milieu du cours, Stephen me tendit un papier plié en quatre. Je le dépliai et le lus :

 

Pourquoi tu rougis ?

 

Cela se voyait-il tant que ça ? Je du encore plus rougir après cette remarque.

 

J’ai rougi ?

(J’écrivais cela en espérant que ça le convaincrai que j’étais tout le temps comme ça)

 

Oh que oui. On pourrait te confondre avec une tomate.

 

Je te jure que je ne fais pas exprès, mais je pense que ça vient de toi. Je sais pas pourquoi, mais tu me fais un drôle d’effet…

 

On arrête là.

 

Il déchira le papier sur lequel on écrivait. Je me demandai comment je faisais pour le supporter quand il était ainsi. Plus j’y pensais, moins j’avais envie de le voir. C’est vrai : je lui avouais à moitié mes sentiments, et il déchirait le papier. Il aurait au moins pu avoir le courage de me dire en face que je ne l’intéressais pas, au lieu de carrément déchirer le papier.

La sonnerie retentit. Il se précipita dehors sans même un regard pour moi. Je commençai sérieusement à me poser des questions sur lui. Mais je n’eu pas le temps de continuer à me perdre dans mes pensées. Giulia arriva à grands pas vers moi, me demandant si tout allait bien. Je lui répondis que oui, mais, à son air, je devinai qu’elle ne me croyait pas.



09/02/2010
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