« C’est magnifique ! »

J’admirai ma garde-robe, et pour tout vous dire, c’est assez embarrassant d’avoir autant de vêtements. Cela faisait une semaine que, chaque matin, j’en essayais quelques uns. Je pris un chemisier mi-manche jaune pâle et un slim noir. Je mis des ballerines blanches, et attachai mes cheveux en deux couettes fines dégoulinant sur ma nuque. Je me maquillai gentiment – par rapport à ce que je mettais d’habitude : un très d’eye-liner, un peu de gloss, et du fond de teint. Ma chambre était un véritable petit paradis. Mon bureau à côté de la porte fenêtre – eh oui, j’avais un balcon –, un meuble à côté de mon lit où étaient disposés quelques CD, une chaîne hi-fi, un ordinateur portable – inutile de vous préciser qu’il avait une connexion internet intégré – et un appareil photo numérique. Mais ça, ce n’était que la moitié de ma chambre : l’autre moitié consistait en un salon – sofa, meuble, télé écran plat, console de jeu – et une porte donnait sur une salle de bain rien que pour moi.

J’avoue que mes grands-parents roulaient un peu trop sur l’or à mon goût. La seule pièce commune de la maison était la cuisine, et là encore il y avait une erreur : j’avais un mini-frigo dans ma chambre. Mais malgré leur abondance en argent, ils n’avaient pas perdu leur sens de l’accueil et leur bonne humeur. Ils faisaient parti de ces gens chanceux qui possédait tout : l’argent et le bonheur, bien que pour moi, ces deux mots étaient incompatibles.

Les seuls moments où nous étions réunis étaient les repas et lors des exercices d’aquagym qu’ils s’offraient et qu’ils m’offraient aussi par la même occasion, jusqu’au jour où je rentrerai au lycée. J’avoue d’ailleurs que ces exercices n’étaient pas d’une grande utilité pour moi : j’estimais que je gardais une ligne raisonnable. J’avais perdu environ un dixième, non, un centième de gramme. Mais là, nous étions au dîner. Ma grand-mère, que j’appelais désormais « mamie », avait sorti un vieil album photo poussiéreux.

- Regarde, Sophia, me dit-elle. Ici, c’est Marion, ta mère.

- C’est Marianne, mamie.

- Ah oui, c’est vrai j’avais oublié. 

Je me posai alors de sérieuses questions : d’une, mamie ne se souvenait plus du nom de sa propre fille, de deux, maman m’avait montré des photos de son enfance, et cette petite fille aux yeux sombres comme la nuit ne lui ressemblait pas, mais alors pas du tout.

- Ton grand-père et moi nous sommes rencontré en France, lors d’une visite à Versailles, et nous sommes revenus aux U.S.A ensemble. Nous avons emménagé ici, à Staumon en 1856. 

Je la regardais d’un air un peu comme « euh, tu te serais pas gourée de date, mamie ? ». Elle dût comprendre mon air étonné, car elle se ravisa tout de suite :

- Euh, pardon. 1956. Enfin bref, sept ans après, ta mère est née, dit-elle, en même temps que je remarquais qu’elle avait fermé l’album. Puis elle a rencontré James. Ils se sont mariés, puis sont partis à Palm Springs, et on ne les a jamais revus. Puis ton grand-père… dit-elle, alors que « papi » toussota, et mamie arrêta aussitôt de parler. Ils me cachaient quelque chose, que mamie était prête à me révéler, mais que papi refusait. Je me promis alors que, quoi que ce soit, je découvrirai ce secret.

Le reste du dîner se passa en silence et, lorsque j’eus terminé mon assiette, je me précipitai dans ma chambre – ou plutôt la salle de bain de ma chambre. Je pris une douche chaude pour me détendre les muscles et pris alors la décision d’essayer ma nouvelle voiture demain. J’irai voir où se trouve le lycée, les magasins de vêtements, et même si il y avait un centre commercial aux alentours. Puis, sortie de mes pensées, je me rendis compte que j’avais fini de me laver. Je tournai le robinet, sortis de la douche, enfilai un survêt’ et un T-shirt, me démêlai les cheveux – on ne peut pas appeler ce que je faisais une coiffure – et sortis de la salle de bain. J’allumai la télévision, mais rien ne me plaisais – malgré les 300 chaînes qu’elle comptait. Je me rendis alors compte que j’étais horriblement fatiguée et décidai de me coucher.