J'étais une descendante d'une sorcière de Salem. Une sorcière. Avec des pouvoirs magiques. Et je me baladais dans le parc avec un loup-garou. Un humain croisé avec un loup. Et j'allais me retrouver dans une boutique louche avec un vampire – oui, une chauve-souris humaine qui boit le sang –, un ange – encore oui, un mec blond aux yeux bleus avec des ailes blanches. C'était complètement fou. C'était vraiment incroyable. C'était totalement...impossible.

« Etienne, c'est bien beau tes histoires de sorcières... mais c'est totalement impossible ! Qu'est-ce qui me dit que tu n'es pas un psychopathe et que tu ne vas me faire subir je ne sais quelle atrocité...

- Je peux te donner des preuves que tu es une sorcière, me répondit-il.

- Je n'attends que ça.

- C'est toi qui as fait tomber Lucy dans le bus. Tu as aussi fait tomber l'étagère dans la bibliothèque. Tu as eu mal à la tête quand tu m'as regardé.

- Je ne vois pas en quoi le fait de te regarder me donne mal à la tête (au contraire, pensai-je).

- Je suis un chercheur, comme tous les loups-garous. Mon boulot, c'est de chercher les descendants de Salem qui s'ignorent. Dès notre plus jeune âge, on est initié à une technique qui nous fait utiliser une sorte d'ultrason que seuls les descendants ressentent. Je t'annonce d'ailleurs que tu es la seule de ton lycée à avoir réagi à mon « radar ».

- Donc je suis une sorcière. Et qu'est-ce qui va se passer une fois que j'aurais rencontré nos congénères ?

- Tu vas être initiée. Tu vas apprendre nos secrets, mais aussi à découvrir quel est ton Kitsu, ton domaine de prédilection si tu préfères. Après ton premier apprentissage, tu auras un choix important à faire.

- Un choix ?

- Ne t'inquiètes pas pour ça tu en sauras assez bien assez tôt.

- Mais... pour ma mère, et le lycée...

- Le conseil gère tout ça. Ta mère le sait sans doute déjà. Tu vas passer une année à la Salem School.

- La Salem School ?

- C'est un genre d'école pour les gens comme toi et moi.

- D'accord.

Notre discussion s'arrêtait pile au bon moment, car devant nous se trouvait une boutique vaudou. Etienne me fit signe d'entrer. Au comptoir se tenait un homme au teint blafard, dans un long manteau noir, les cheveux complètement hirsutes. Il leva la tête lorsque nous entrâmes. C'était un vampire. Un vrai, avec des canines. Un vrai truc de malade. Je vivais un vrai truc de malade. J'étais une sorcière, je me tenais dans la même pièce qu'un loup-garou et qu'un vampire. Et un ange venait d'entrer dans la pièce. Lui aussi, un vrai, dans une longue robe blanche. Il était très beau. Des cheveux blond parfaitement coiffés, des yeux bleus dans lesquels je me noyais.

« Je te présente Michel, me dit Etienne en tendant la main vers l'ange, et voici Richard – le vampire.

- Salut, dis-je avec une voix très, très faible...

- Alors c'est toi, la sorcière ? a dit Richard

- Soit sympa, Richard. Elle a déjà du mal a encaissé...

- T'inquiètes Etienne, on sera sympa, a dit Michel avec un sourire. Tu peux être tranquille.

- Bon ben j'y retourne, alors.

- Attends, dis-je en l'attrapant par la manche. Tu vas où ?

- Ben j'y retourne. Il y a peut-être d'autre descendants en ville. C'est mon boulot de chercher.

- Bon... »

Je n'étais pas rassurée à l'idée de me retrouver dans avec un vampire et un ange dans un monde que je ne connaissais pas. Je regardais Etienne d'éloigner par la vitre transparente. J'hésitais entre pleurer ou aller le chercher lorsque je sentis une main se poser sur mon épaule. Je retournai et me retrouvai nez à nez avec le magnifique visage de Michel. Il était vraiment beau comme un dieu. Ses yeux bleus lisaient en moi. Ils étaient profonds, j'avais vraiment l'impression de plonger au fond de l'océan. Il n'avait pas d'odeur particulière, mais l'air autour de lui semblait meilleur.

« Eh, Michel, arrête, tu vas me rendre malade avec ton pouvoir...

- Merci de ton soutien, Richard. Tu las géreras si elle s'évanouit...

- Pourquoi ? Tu m'as fait quelque chose de spécial ? »

Je remarquai alors que, d'un seul coup, cette ambiance apaisante que j'avais ressenti c'était évaporée. Ma peur revenait au galop. J'essayais de recréer cette ambiance dans ma tête, mais rien n'y faisais. Après tout, je n'étais pas un ange.

« Ok, je crois que j'ai compris. Tu « apaises » les gens, ou un genre de truc comme ça ?

- C'est ça, mon boulot d'ange. Rendre les gens heureux.

- Ok. Et toi, c'est quoi ton « boulot » ? demandai-je à Richard.

- Moi ? Je dois veiller sur les esprits des morts et faire peur aux humains qui s'en mêlent.

- Ça m'a l'air passionnant... »

Alors c'était ça, le genre de choses que faisait les descendants de Salem ? Je m'attendais à quelque chose de plus... comment dire... joyeux, entrainant, enfin un genre de truc passionnant, quoi.

- Et le travail des sorcières, c'est quoi ?

- A vrai dire, je n'en sais rien. Les sorcières, il y en a si peu que ce qu'elles font reste secret. C'est un peu comme la CIA aux États-Unis, un genre d'agence secrète.

- Je vais devenir agent secret ? m'exclamai-je.

- Ça dépend de tes capacités. Mais le conseil t'en apprendra plus. Le plus urgent pour l'instant, c'est d'aller le voir. Allez, viens.

Richard se dirigea vers ce qui semblait être l'arrière boutique. Il tira le rideau et me fit signe d'entrer. Michel entra, je le suivi, puis Richard entra. Lorsque le rideau retomba dans l'entrée, il fit noir, totalement. Je ne voyais rien. Et cela me terrifiait. J'avais été vraiment idiote de croire que ce qu'ils me disaient tous était vrai.

La colère monta en moi comme l'eau lors d'une marée. Doucement, mais elle allait tout engloutir. Je fermais les yeux pour me concentrer uniquement sur cette colère que je ressentais. Je voulais qu'elle explose, qu'elle détruise tout, qu'elle fasse tomber les murs de cette boutique. Je sentais presque les murs trembler. Je ne me sentais même plus moi-même, comme si quelque chose avait pris possession de moi.

« Julie, arrête ! »

C'était la voix d'Etienne. J'ouvris les yeux et me rendit compte que je lévitais. Je retombais lourdement sur le sol. Avant de m'évanouir, j'eus le temps d'apercevoir les corps inconscients de Michel et Richard gisant à terre.