Encore une semaine de passer. Je ne suis pas pour autant plus soulagée. Je n’ai pas trouvé le point faible de Giulia. C’est elle qui avait trouvé le mien. Nous avions tous de plus en plus faim. Hier, un homme s’était évanoui. Il ne s’était pas réveiller. Peter restait sans arrêt à côté de sa sœur. Ashley était collée à lui. Peut-être était-ce le point positif de la situation ? J’avais demandé à Peter pourquoi il ne pouvait pas essayer de la soigner. Il m’a répondu qu’il ne pouvait soigner que les blessures physiques. Et puis, ce qu’elle avait, ce n’était pas vraiment une blessure. Je m’étonnais d’ailleurs qu’elle ne soit pas déjà morte. Elle avait encore plus maigrit. Je n’aurais pas vu cette fille maigrir aussi vite, je me serais demandé si c’était possible.

Moi, je mourais de faim, comme la plupart des gens ici. Tout le monde connaissait tout le monde. Je privilégiais certaines personnes, bien sûr. Car les plus âgés d’entre nous devenaient grincheux lorsqu’ils avaient faim. Et pas mal de personnes commençaient à avoir sacrément faim… D’apparence, nous avions tous le même âge, mais le caractère et les paroles pouvaient aisément laisser deviner l’âge réel de certaines personnes.

À présent, chacun s’occupait comme il pouvait. Je discutais avec Stephen, Ashley et Peter, au chevet de sa demi-sœur. Kyllie, une adolescente trois ans moins âgée que moi, écoutait son Ipod, Paola donnait l’heure à qui voulait bien l’entendre, un ado était à côté de l’homme récemment tombé. Bref, tout le monde s’occupait.

- Vous voulez l’heure ? nous demanda Paola.

- Oui, s’il te plaît, répondit Ashley.

- Quatre heures et demie…de l’après-midi, dit-elle en regardant sa montre.

- Merci, répondis-je.

Elle partit vers un autre, pendant que je pensais à l’heure qu’il était. Quatre heures et demie, l’heure du goûter… Rien qu’à cette pensée, mon ventre gargouilla. Je mis ma main dessus, pour essayer de le calmer.

J’ai tellement faim, dis-je silencieusement à Stephen.

J’imagine. Tu es là depuis deux semaines sans rien manger. Déjà que moi, au bout d’une semaine, j’ai faim, alors toi…

En effet. Mais imagine Ashley, ça doit faire un peu plus de trois semaines qu’elle est là…Elle doit vraiment prendre sur elle pour ne pas se plaindre…

Je regardais alors Ashley qui me semblait de plus en plus maigre. Je m’étonnais qu’elle tienne encore debout. Son regard était vitreux, et de plus en plus lointain au fil des jours. Ses muscles avaient tellement faibli que le moindre effort la faisait trembler comme une feuille. Mais quand elle nous parlait, sa voix était pleine d’entrain et de joie, ce qui nous laissait penser qu’elle était en pleine forme.

La porte s’ouvrit d’un seul coup sur Giulia, puis entrèrent Matt, James et à leur suite…Fabrice. Il était dans un état pire que celui de Stephen, sauf qu’il était conscient. Pour donner un exemple, il était pareil que lui lorsqu’il est arrivé, sauf que, en plus, il avait un doigt violet – que je supposai cassé – et quelques égratignures sur les bras et les jambes. Ils le jetèrent à terre, de la même façon qu’ils l’avaient fait avec Stephen.

- Cette fois, adieu, dit Matt. Vous avez de la chance, je n’ai pas encore récupérer assez de vampyrs. Vous avez encore environ une semaine à vivre. Et une éternité dans les égouts pour toi, dit-il à Peter.

Il partit, ses deux petits toutous à sa suite. La porte se ferma et ce fut le silence total. Stephen s’approcha de Fabrice. Peter approcha ensuite. Stephen le laissa toucher Fabrice pour le soigner. Ses égratignures disparurent, son doigt redevint pâle, son visage doux. C’est alors que je remarquais que Fabrice et Stephen se ressemblaient vraiment. Les mêmes lèvres, les mêmes yeux…La seule différence, c’était que le visage de Fabrice était plus carré que celui de Stephen.

Une fois Fabrice totalement guéri, Stephen s’assit contre le mur, les jambes tendues. Je m’assis à mon tour contre le mur, et mis ma tête sur son épaule. Épuisée, je m’endormis.