Chapitre 3

Lorsque j'ouvris les yeux, j'entendis l'infirmière dire que je revenais à moi. Je m'assis sans difficulté. Je m'étais peut-être évanoui, mais j'étais en pleine forme. Je remarquai alors qu'Etienne était assis dans un coin de la pièce. Il était bien gentil ce garçon, mais il était un peu lourd...

« Je peux savoir pourquoi tu me suis partout ?

- Parce que... j'ai envie.

- Eh bien arrête. Je t'aime bien, mais j'ai quand même une vie en dehors de toi, au cas où tu l'ignorerais...

- Attends, je t'aide depuis ce matin et c'est tout ce que tu trouve à me dire ?

- Pourquoi ? Qu'est-ce que je devrais te dire à ton avis ?

- Ben, je ne sais pas, un truc du genre « merci », je crois.

- Merci. »

Je pris mon sac et sortis. je m'en voulais un peu, et il avait raison : il m'avait aidée depuis ce matin et je n'avais réussi qu'à le rejeter, lui, le nouveau beau gosse du lycée qui s'intéressait à moi. Dehors, la pluie tombait comme des fouets sur le dos d'un esclave. Je sortis dehors et me préparait mentalement à mes 45 minutes de marche sur une pluie battante.

Quand j'arrivais, Luciana, notre colocataire, lisait, son petit dans un berceau à côté d'elle. Je lui souris et montait dans ma chambre. La même peinture blanche aux murs, les même tableaux accrochés. Je m'assis à mon bureau, face à la fenêtre, et commençai mes devoirs. Routine habituelle. Mais, contrairement à d'habitude, je n'étais pas concentrée. Je regardais dehors. Le ciel gris, sans pluie, était tellement fade. Je rangeais mes cahiers. Les profs ne feraient pas de crise si, pour la première fois de ma vie, je ne faisais pas mes devoirs. Je pris mon chevalet, pris une des nombreuses toiles vierges dans mon placard, mes tubes à peintures, et me mis à dessiner le ciel gris. Quelqu'un de banal, dans la rue, aurait dis que le ciel était de la même couleur – même si je l'aurais repris en disant qu'il était uni – mais mes yeux de peintres y voyaient un tas de nuances : il y avait un endroit beaucoup plus clair que les autres, j'en déduit que le soleil se trouvait derrière. Les endroits de gris foncés délimitaient les différents nuages. Je décidai de mettre le soleil au centre de ma toile. Mais avant de commencer à peindre, il fallait que je visualise ma toile. Je regardai le ciel. Il allait faire de l'orage, certains nuages étaient beaucoup plus noirs que d'autre. J'aimais bien l'orage, c'était un mélange d'obscurité et de lumière, un peu comme si le paradis attaquait l'enfer. Ma main se mit à bouger, toute seule. Je fermais les yeux et continuait de réfléchir à cette métaphore que je venais de faire. J'imaginais un régiment d'ange aux ailes immenses combattant une armée de démons. Dans ma tête, personne ne gagnait, l'image que je m'en faisais s'arrêtait au moment où les deux camps se rejoignaient. Je rouvris alors les yeux, et la peinture qui se trouvait devant moi était la plus belle de toute : le ciel était orageux comme aujourd'hui, mais je n'avais pas seulement peint le ciel. À la limite entre le sol et le ciel, on pouvait voir un démon essayer de sortir de terre, et un ange fonçant sur le démon avec une sorte de trident lumineux. Je pris ma toile et la cachait vite fait derrière mon placard. Il m'arrivait quelque chose d'étrange, j'en étais certaine. D'abord ce garçon qui s'intéressait à moi, ensuite ce mal de tête insoutenable, maintenant cette toile. Il fallait que je me change les idées : je décidai d'aller voir ma grand-mère. 



02/11/2010
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