Chapitre 2

L'arrivée en cours se fit comme d'habitude. Tout le monde se dit bonjour, la cloche sonna, tout le monde entra en classe – élèves et professeurs. Enfin, presque tous les élèves. Parce que je ne me sentais toujours pas bien. Je fis signe à Lena d'aller en cours sans moi. Je m'appuyai contre les casiers en fer, en faisant attention de ne pas m'appuyer sur une serrure. Au bout de cinq minutes, j'étais seule dans le couloir, assise, la tête entre les genoux, dans le silence. Enfin presque.

« Excuse-moi, je cherche ma salle...la 54. Tu saurais où elle est ? »

Je relevai la tête : le nouveau était penché au-dessus de moi, avec un tas de paperasse dans les mains. Je me relevai, mais rien que le fait de réfléchir où était la salle 54 me donnait mal à la tête.

« Désolée, lui dis-je, mais là je n'ai pas tellement la tête à réfléchir...

- Tu veux que je t'emmène à l'infirmerie ? »

Mon mal de tête empira. Je me rassis.

« Bon, je crois que je n'ai pas le choix. »

Il passa un bras sous le mien pour me maintenir debout. Nous commençâmes à avancer, et j'avais du mal à tenir debout, car mon mal de tête empirait au fur et à mesure que nous marchions.

« Au fait, je m'appelle Etienne. Et toi ?

- Julie...

- Hein hein...Cette fille, ce matin, dans le bus, qu'est-ce qu'elle te voulait exactement ?

- On pourra pas parler plus tard ? Parce que là, plus je cause avec toi, plus j'ai mal à la tête...

- D'accord. Ah, je crois qu'on arrive. Je vais attendre que tu sortes.

- Et si je ne sors pas ?

- Je louperai des cours, dit-il en me souriant. »

Il frappa à la porte et une dame d'une cinquantaine d'année, les cheveux violet et des lunettes, demanda ce qu'il m'arrivait. Etienne répondit que j'avais sans doute fait un malaise. L'infirmière me pris alors de la même façon que lui. Je jetai un dernier regard vers Etienne, qui me sourit, puis l'assistante ferma la porte. L'infirmière m'allongea sur le lit et me donna un cachet. Elle prit ma température, mais celle-ci ne dépassait pas les trente-sept degrés.

« Écoute, me dit l'infirmière, je peux comprendre que tu ne veuille pas aller en cours, j'ai eu ton âge, mais je ne vois pas pourquoi tu aurais eu un malaise. Tu as mangé ce matin ?

- Oui, trois tartines et un bol de café.

- Donc il n'y a aucune raison à ton malaise. Tu peux retourner en cours. »

Je me levai, dis merci à l'infirmière – par pure politesse, pas pour ce qu'elle avait fait, évidemment – et sortis. Comme promis, Etienne m'attendait, adossé au mur. Il avait mon sac à dos à ses pieds. Mon mal de tête passait, sans doute grâce au cachet. L'infirmière avait sans doute raison, en fin de compte : peut-être ce mal de tête n'était du qu'au stress.

« Alors ? me demanda-t-il.

- Pas grand chose. Selon l'infirmière, je n'ai rien.

- Bon, on va peut-être se dépêcher, maintenant. »

Je regardai alors l'heure sur mon portable : huit heures vingt. Nous avions vingt minutes de retard. Je n'avais jamais été en retard de toute ma vie. J'étais plutôt une élève modèle : bons bulletins, bonne attitude, jamais collée, ou même punie de toute ma scolarité. Je n'étais pas spécialement populaire, mais les autres élèves connaissaient mon nom si on leur demandait.

« Au fait, je ne t'ai pas dit, dis-je à Etienne. Nous sommes dans la même classe, si ta salle est la 54.

- Chouette. C'est une bonne classe ?

- Disons que les élèves sont variés... »

Je toquai à la porte. Le professeur, qui était celui d'histoire, nous dit d'entrer. J'ouvrai timidement la porte. Nous entrâmes, dans la classe, sous les regards interrogateurs des autres élèves.

« Et quelle est la raison de votre retard, Mlle Bishop ?

- Eh bien...

- Elle s'est sentie mal alors je l'ai accompagné à l'infirmerie, coupa Etienne.

- Très bien, rejoignez vos places. »

Je rejoignis ma place, au fond de la salle, tandis que le professeur demanda à Etienne de rester devant pour se présenter.

« Comme vous le savez, ce jeune homme est un nouvel élève de notre lycée. Il va donc se présenter devant vous.

- Je m'appelle Etienne, j'ai 16 ans, je viens d'Amérique Latine, mes parents sont ingénieurs en aéronautique, mon plat préféré est le tajine de poulet, je n'aime pas les filles superficielles, je préfère les filles...

- Je crois que nous avons compris, monsieur...

- Wolfram.

- Allez vous asseoir. »

Il s'assit à la dernière place de libre, juste devant moi. Il se retourna, et je lui souris. Je crois qu'aucun élève n'avait jamais fait une présentation pareille, ce que je ne manquai pas de lui dire.

La demi heure de cours se passa sans encombre. L'histoire des États-Unis, plus précisément l'épisode de la deuxième guerre mondiale, Pearl Harbor. Personne n'avait dérangé le cours. En général, la première heure de cours, tout le monde dormait à moitié, et le professeur pouvait raconter n'importe quoi, personne ne répondait, excepté moi, la plupart du temps, mais pas aujourd'hui, et le prof avait décidé d'arrêter de parler quinze minutes avant la fin du cours.

Lena et moi sortîmes ensemble de la salle. Je remarquai qu'Etienne discutait déjà avec quelques garçons de la classe et quelques autres, dont celui du bus ce matin. Il me sourit, je lui souris en retour, puis Lena et moi nous éloignâmes vers la bibliothèque. Mon mal de tête était passé, je pouvais donc retourner à la bibliothèque pour m'avancer, et Lena voulait en faire autant.

Comme d'habitude, la bibliothèque reposait dans un silence de mort. La bibliothécaire était une vieille dame à lunettes. De loin, un squelette n'aurait pas eu meilleure allure. Lena et moi nous installâmes à une table et sortîmes nos bouquins. je remarquais alors que j'avais oublié celui de mathématiques. Je prévins Lena et me dirigeai déjà vers le rayon des livre de cours. Je cherchais lorsqu'un rire étouffé me parvint. Dans le rayon d'en face, Lucy et sa bande me regardait en rigolant. Si seulement les livres pouvaient lui sauter dessus, la dévorer...Ou juste lui laissé une super cicatrice au visage, au moins ne se moquerait-elle plus de moi. Puis mon mal de tête repris. Je me tournais vers les livres, pris celui que je cherchais. Je remarquai alors qu'Etienne se tenait dos à moi dans le rayon d'à côté. Les rires dans le rayon d'en face reprirent de plus. Je leur souhaitai alors tout le mal qu'il m'était donné d'exprimer. L'étagère perdit alors l'équilibre et les livres ainsi que l'étagère en bois s'écrasèrent sur le joli petit minois de mon ennemi. Je souris intérieurement, et je n'eus même pas envie d'appeler à l'aide. Quel dommage que la bibliothécaire l'eut fait avant moi. Je me retournais alors vers Etienne, et celui-ci me fixait de ses yeux si sombres, dans lesquels je plongeai sans aucune difficulté. Mon mal de tête empira et je dus m'asseoir pour ne pas m'évanouir. Pourquoi fallait-il qu'il revienne ? Mais je n'eus pas le temps de réfléchir que l'obscurité s'empara de moi. 



02/11/2010
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