Chapitre 26

Mais qu’avais-je fait ? J’avais crié pour stopper toute cette souffrance. Mais maintenant, c’est moi qui allait souffrir. L’expression de Giulia indiquait qu’elle était complètement abasourdie. Elle ne s’attendait pas le moins du monde à me trouver là. J’étais attachée à un piquet, comme un condamné à mort, ce que j’étais devenue en me faisait capturer par ces gens adorateurs de souffrance. Les cris de Will me revenaient sans cesse en mémoire, et à chaque fois je m’effondrais de souffrance intérieure.

- Je te le répète une dernière fois : que viens-tu faire ici ? demanda James pour la énième fois.

- On voulait…on voulait…dis-je d’une voix sanglotante.

- Ah, vous êtes plusieurs, on progresse…La suite, s’il te plaît…

- Non ! J’en ai déjà trop dit !

- J’en ai assez ! Je perds mon temps avec toi ! s’exclama-t-il. Je vais jeter un coup d’œil dehors, surveille-la ! ajouta-t-il à l’attention de Giulia.

Elle hocha la tête en signe d’affirmation. James s’en alla, les mains dans le dos. Je n’en pouvais plus. J’étais fatiguée, j’avais envie de m’endormir pour ne plus jamais me réveiller.

Je jetai un coup d’œil à Giulia. Cette fois, plus aucun doute ne s’immisça dans mon esprit. Ce qu’on était venus empêcher avait déjà été accompli. Giulia…était à présent l’une des nôtres. Mais elle ne le resterait pas longtemps : d’après ce que Henry m’avait dit, Giulia allait devenir un vampyr, elle représenterait donc un danger, et nous devrons l’éliminer. Le savait-elle ?

- Giulia, est-ce que tu sais que…

- Chut, tais-toi !

- Mais pourquoi ? Pourquoi t’es tu mises avec lui ? Es-ce que tu sais seulement ce qui va t’arriver ?

- Premièrement, je me suis ralliée à lui sinon il allait m’enlever Will. Et ça, je ne le veux absolument pas.

- Mais pourtant…

- Deuxièmement, je sais que les Sampires devront me tuer.

- Oui mais pourtant, tout à l’heure, quand James à menacer de tuer Will, tu n’as pas levé le petit doigt !

Et elle se tut. Elle savait que j’avais raison. A ma grande surprise, elle se mit à sangloter, des larmes imaginaires coulant le long de ses joues. Pourquoi tout le monde autour de moi souffrait-il autant ? Peut-être était-ce à cause de moi. Je voulais que tout cela cesse. Je ne voulais plus de toute cette souffrance qui me rongeait le cœur tel de l’acide sur du plastique. J’allais faire cesser tout cela. Je me le promis à moi-même.

- Giulia, je suis désolée, arrête de pleurer.

- Non, c’est toi qui a raison ! Depuis le début, je ne suis qu’une égoïste, je ne pense qu’à moi-même ! Je suis allée avec James pour que je puisse garder Will. Et après ? Quand je mourrais il n’aurait plus rien, personne pour lui servir de mère, personne pour le rassurer lorsqu’il ferait des cauchemars, personne pour le disputer lorsqu’il ferait des bêtises…

- Giulia, non…

- Écoute, voilà ce qu’on va faire : je te libère, je te confie Will, et vous partez.

- Non, on ne s’en ira pas. Pas sans toi.

- Non, je reste là. D’ici trois semaines, je serais devenue trop dangereuse. Il ne vous serait d’aucune utilité de m’emmener avec vous.

- Mais si… Henry est un Sang-pur de première classe, tu le sais ! Il pourrait te sauver !

- Ils ne te l’ont donc pas dit ? Un vampyr est obligé de boire entièrement le sang d’un Sang-pur de première classe pour être sauver. Il doit donc le tuer.

Je me tus. Il n’y avait donc aucune solution ? Giulia n’avait donc pas sa place dans ce monde ? Elle ne pouvait pas…mourir ? Après tout, ne disait-on pas « rien sans rien » ? On ne pouvait pas sauver Giulia sans perdre quelqu’un d’autre en retour ? J’étais dégoûtée. Tout ce que Giulia avait fait, même si ce n’était pas ce qu’il fallait, elle l’avait fait pour une seule personne : Will. Elle méritait dix fois plus que moi de vivre. Sauf que moi, j’allais vivre. Pas elle.

Pendant que j’étais perdue dans ma question d’injustice, Giulia avait défait les liens m’attachant au poteau. Je ne parlais plus, j’étais quasiment dans un état second. Elle me mit Will dans les bars et me raccompagna à la sortie.

Nous étions de retour dans la maroquinerie. Elle me raccompagna à la porte. Je ne disais toujours rien. Elle me guidait avec une main dans le dos. Nous sortîmes sous le soleil de Londres.

- Maintenant, retourne de là d’où tu viens. Ne cherche plus à me sauver, c’est inutile. Et puis pense à Will : ne lui dis rien à propos de moi. Je ne voudrais pas qu’il ait honte de sa mère. Dis lui que…je suis sa tante. Ou un truc comme ça. Fais en sorte qu’il me connaisse sans savoir qui je suis vraiment.

Elle se tut un moment avant de reprendre :

- Adieu…finit-elle dans un soupir.

Je tendais le bras pour la retenir lorsqu’elle se retourna et disparut dans la pénombre de la maroquinerie. J’étais comme revenue au départ. C’était sur ce trottoir, en train de rechercher Ashley, que j’avais aperçu Giulia, et que je l’avais suivie. Mais rien ne pouvait témoigner que j’étais rentrée dans cette boutique, sinon Will, ici, dans mes bras. J’aurais été dans une joie impossible si je n’avais pas perdu une amie, car même si je ne voulais plus me l’avouer depuis que je savais qu’elle était la mère de Will, Giulia était de loin ma meilleure amie.



29/10/2010
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