Chapitre 1

 La pluie martelait les vitres en plastique et les nuages obscurcissaient le ciel. Quelques pas en avant et mon kaway aurait servi à quelque chose. Quelques voitures passaient, et chacune envoyait de l'eau sur le trottoir. Mes pieds étaient déjà trempés, à sept heures quarante-cinq du matin. N'ayant pas prévu la pluie de ces dix dernières minutes, j'avais mis des chaussures en tissu au lieu de mes baskets. Mais je n'avais aucun instinct : selon ma mère, je devais avoir quelques gênes mâles. Je lui rappelais alors que ce n'était pas moi qui était incapable de faire deux choses en même temps.

Je vivais seule avec ma mère. J'étais un accident due à une soirée bien arrosée. Mais ma mère me rappelait sans cesse que malgré ça j'étais la plus belle chose qui lui était jamais arrivée. En général elle me le rappelait quand j'étais triste ou de mauvaise humeur. Nous habitions dans un pavillon moyen, mais largement assez grand pour 4 : nous avions deux colocataires. Un grand-père d'une soixantaine d'année, abandonné par ses enfants. Il a été obligé de trouvé une solution car il manquait de moyen pour payer son loyer. Cette colocation était la solution rêvée pour lui : il pouvait vivre comme il voulait en payant tout les mois une part du loyer. La deuxième était une jeune fille qui avait oublié de se protéger (un peu comme ma mère) mais que sa mère avait rejetée. Ne voulant se séparer du bébé, elle avait décidé de partir en coupant définitivement les liens avec sa mère. Elle avait seulement un ou deux ans de plus que moi. Elle appréciait beaucoup ma mère, et celle-ci lui donnait beaucoup de conseils.

Le klaxon du bus me sortit de ma rêverie. Je regardais le chauffeur, qui me fit signe de me dépêcher. Je pris mon sac et montai dans le bus. Il était déjà plein à craquer, à sept heures cinquante, mais la plupart étaient des élèves qui, comme moi, étaient obligés de prendre le bus pour aller au lycée. Je montrai ma carte au chauffeur et me dirigeai vers ma place habituelle : à côté de Lena. Je voyais qu'elle m'avait laisser la place à côté de la fenêtre, comme d'habitude. Je souris et m'assis.

« Alors, comment s'est passé ton week-end ? lui demandai-je.

- Rien de super excitant, jusqu'à ce matin...

- Pourquoi « jusqu'à ce matin » ?

- Regarde au siège d'en face... »

Je regardais discrètement derrière elle, pour voir le siège d'en face...Ce mec allait être le beau gosse du lycée, je le sentais ! Mate, costaud mais pas trop, taille moyenne – mais plus grand que moi, ce qui n'est pas très compliqué –, bien habillé – simplement mais avec du style –, et des yeux d'un noir profond, vous savez, ce genre de noir que quand il vous regarde vous avez l'impression d'être un livre ouvert, mais vous ne pouvez rien lire à l'intérieur...Mais c'est qu'il me regardait !

Je me rassis vite fait au fond de mon siège. Il m'avait vu... La honte. J'avais très chaud. trop chaud. Je ne me sentais pas bien, comme si j'allais m'évanouir. Je ne voyais presque plus rien, et j'avais des frissons, comme si j'étais malade, que j'avais de la température.

« Eh, Julie, ça ne va pas ?

- Si, si, très bien...

- Mais tu es toute blanche !

- Ah bon...dis-je d'une voix presque normale.

- Tu ferais mieux d'aller voir l'infirmière quand on va arriver...

- Oui, tu as raison...

- Je viendrais avec toi, ça me fera louper des cours, dit-elle d'une voix joyeuse, comme si le fait que je ne me sentais pas bien était une aubaine pour elle.

- Non, non, tu ferais mieux d'aller en cours, je risque d'y rester un moment.

- Bon, dommage... »

Je mis mon Ipod dans mes oreilles, et mis le son à fond. La pluie martelait toujours les vitres du bus et je ne pouvais pas regarder ce qui se passait dehors. Le prochain arrêt allait être celui que je redoutait le plus. Pourquoi ? Parce que Lucy allait monter. Qui est Lucy ? C'est la pimbêche du lycée, vous savez, cette fille que tout le monde respecte non pas par mérite mais par peur de se faire humilier. Malheureusement, un jour de grand courage, je lui avait répondu que ce qu'elle faisait à ceux qui l'ignoraient, je m'en fichais carrément. Et ça avait été le début de la fin pour moi. Chaque matin, elle s'en prenait à moi : elle me crachait son chewing-gum à la menthe dessus, m'insultait, allait s'en prendre au garçon que je regardais (elle s'en prenait gentiment, bien sur).

Le bus s'arrêta, et Lucy monta. Mini-jupe même en hiver (moi je caillais avec mon jean et mon sweat), décolté à manche longue, et son fidèle sac à main à la place du sac de cours de tous les élèves. Bien sûr, du premier coup d'oeil, elle avait repérer que je regardais le mec d'en face, aussi fit-elle signe au garçon assis à côté de lui de s'en aller – pour ne pas être vulgaire. Mais avant que celui-ci ait eu le temps de filer, le nouveau lui dit de se rasseoir. Lucy arriva et lui dit :

« Tu ne préfères pas que ce soit moi qui m'assoit ?

- Pas spécialement non. Les filles superficielles comme toi, je ne peux pas les voir. »

Le silence du bus était parfait – tout prof qui se respecte aurait rêvé d'un silence pareil. Plusieurs venaient de filmer ce qui c'était passé, et d'autres se moquaient d'elle dans leurs coins. Je faisais partie de ces derniers avec Lena. Lucy se tourna vers moi :

« Alors, satisfaite ? Tu as peut-être enfin trouvé un garçon aussi nul que toi ! »

Et elle recommença à avancer. En la regardant, je souhaitai de tout cœur qu'elle tombe, à cause d'un sac, où je ne sais quoi, pour clôture ce moment en beauté. Et sa tête disparut. Elle ne s'était pas volatilisée, mais elle était bien tombée. Sa coiffure était un peu défaite, son collant filé. Enfin une journée qui commençait bien.  



02/11/2010
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