Chapitre 6

Je me réveillai en sursaut au moment où Marie passa l’aspirateur devant ma porte. Elle devait sûrement avoir marre que je dorme alors qu’elle était en train de travailler. J’avais un peu honte de cette situation. J’avais l’impression d’être devenue une de ces enfants rois qui ont tout ce qu’ils veulent. Je me levai puis me dirigeai vers la salle de bain. Je remarquai alors un journal sur la table basse du salon. Je ne vous dis pas le titre : « Qui a tué les randonneurs dans la dangereuse forêt de Staumon ? ». Ma grand-mère entra tout d’un coup avec perte et fracas dans ma chambre et m’arracha le journal des mains. Pourquoi avait-elle cette attitude ? A mon avis, elle n’avait pas envie que je me fasse des idées sur ce qui m’avait attaqué. A moins que…non, impossible que mes grands-parents soient pour quelque chose pour cette histoire de meurtre. Ce qui m’avait attaqué était sûrement à l’origine de ces meurtres.

Tout en ressassant ces souvenirs horribles – cauchemars, la forêt –, je m’étais levée et habillée – cette fois, j’avais mis un chemisier turquoise et une mini-jupe noire avec mes fidèles bottes au dessus des genoux – j’avais fait un petit brin de toilette puis j’étais sortie en disant merci à Marie pour tout ce qu’elle faisait pour nous. Malgré l’interdiction de mes grands-parents, je pris la clé de ma voiture qui était toujours dans sa pochette qui était elle-même toujours dans ma poche de blouson et sortit en disant bien sûr à Marie de ne rien dire à mes grands-parents. Je me dirigeai vers le hangar lorsque, pour la deuxième fois de la journée, je crus voir Stephen derrière un arbre. Rebelote : je clignai des yeux, et il avait disparu. La frayeur m’envahit. Jamais, ô grand jamais je n’avais eu d’hallucinations. Mais que pouvais donc m’avoir fait ce mec pour que je pense à lui au point de le voir ? Était-ce vraiment mon imagination ? Quelle question idiote, bien sur que c’était mon imagination ! Il ne savait même pas où j’habitais – moi-même je ne le savais pas quand je l’avais rencontré – et à mon avis ça m’étonnerait qu’il  m’ait suivie jusque chez moi.

Je poursuivis donc ma route vers le hangar. La porte du hangar était électrique – je me demande si j’ai vraiment besoin de le préciser ? – et on l’ouvrait avec un code. Mes grands-parents et la sécurité ne faisaient qu’un. Je composai le code, la porte s’ouvrit et j’entrai dans le hangar. Ma voiture était toujours là, ses pneus pas encore usés et la peinture toujours aussi lustrée. Les bandes blanches sur le capot me donnaient l’impression qu’elle était plus grande qu’elle n’y laissait paraître.  J’enfonçais la clef dans la serrure, et un clic me fit comprendre que la voiture était ouverte. J’ouvris la portière du conducteur, m’assit sur le fauteuil et mis le contact. Elle était tellement silencieuse qu’on aurait presque put m’entendre respirer. J’avançai, pied sur la pédale et portière fermée, et me voilà partie sur les routes de Staumon.

Maintenant, j’étais dans le centre ville, et j’avais déjà repéré une mini-boutique de vêtements et un mini-centre commercial. Je continuai ma route, tranquillement, lorsqu’une voiture interpella mon attention : c’était une vieille voiture française des années soixante, une 2ch et il était rare d’en voir aux Etats-Unis. Mais ce qui me surprit le plus, c’était la personne qui venait d’en sortir. Stephen. Ce garçon qui hantait mes songes nuits et jours et qui, depuis son sauvetage à l’aéroport, n’avait cessé de me rendre folle. Je m’arrêtai direct sur le bord du trottoir et descendis de la voiture. Puis, sans réfléchir, allais me placer – ou plutôt me planter – devant lui.

- Qui es-tu ? me demanda-t-il. Ah, ça y est, tu es la fille qui n’arrêtait pas de vomir dans l’avion il y a un mois. J’avoue que sans ton rouge-à-lèvres noir, je ne t’avais pas reconnue.

- J’espérai que tu aurais un meilleur souvenir de moi que « la fille qui n’arrêtait pas de vomir » mais le fait que tu te souviennes de moi me satisfait. Tu faisais quoi avant que j’arrive ?

- J’allai m’acheter une glace. Tu viens ? 

Je trouvai que le truc de la glace faisait un peu cliché, mais j’acquiesçai d’un mouvement de la tête et avec un large sourire qui devait sûrement me fendre le visage. A présent, je marchai à côté de lui, sans savoir où il allait – seulement qu’on allait vers un stand de glace pour l’instant invisible.

« Tu venais faire quoi ici, dans le centre ville de Staumon ? me demanda-t-il.

- J’essayais de trouver mon futur lycée, et repérer quelques boutiques de vêtements, avec un bon ciné et une bibliothèque par la même occasion.

- Tu vas dans le lycée de Staumon ?

- Oui, pourquoi ? Il y a un autre lycée dans le coin ?

- Il y a le lycée musical, à environ cinq kilomètres d’ici. 

- Je ne suis pas musicienne. »

Comme il me parla de ce lycée, j’en conclu que je n’aurai pas l’honneur de partager mes cours avec lui. Mais le fait que je puisse le croiser en ville me réconforta – juste un peu.

« Tu sais où j’habite ? lui dis-je.

- Pardon ? me dit-il l’air étonné – voir un peu gêné, comme si je l’avais pris la main dans le sac.

- Non, c’est rien, t’inquiète. »

Nous arrivions enfin au stand de glace lorsque je prononçai cette dernière phrase. Il prit une glace parfum fraise vanille – mon préféré – et me demanda :

« Tu prendras quoi ?

- Moi ? Euh, fraise vanille.

- Tu aimes ? Très bien, alors une autre vanille fraise s’il vous plaît. 

- Oh mince, j’ai oublié mon porte-monnaie ! m’écriai-je.

- De toute façon, je voulais payer, me dit-il en riant. »

Nous léchions nos glaces identiques, côte-à-côte, presque main dans la main – là, je crois que j’ai un peu trop d’imagination – et la discussion était bien silencieuse.

- Alors, tes grands-parents ? me demanda-t-il soudain.

- Je ne les vois pas beaucoup. A part pour les repas et l’aquagym, je ne sors pas de ma chambre. Je pense que si je le voulais, je pourrais ne même pas sortir de ma chambre pour les repas.

- Et l’aquagym…

- Piscine personnelle. Mes grands-parents sont…assez riches en fait. Voir trop. Cela me met mal à l’aise. J’ai l’impression d’être une petite fille gâtée. Je n’aime pas ça. Au fait, tu es au courant pour les randonneurs ? Tu sais, ceux qu’on a retrouvés morts.

- Ah oui. Effrayant, n’est-ce pas ? Tu sais, ici, des morts, il y en a tous les quatre matins.

Nous bifurquâmes dans une ruelle, où il pointa du doigt une façade qui ne ressemblait à aucune autre dans cette ville. En arrivant en face, je m’aperçus que c’était une bibliothèque. Il y avait toute sorte de livre : spiritisme, cuisine, en passant par le fantastique et la mécanique. Je devais avoir un sourire à faire rire une statue, car il éclata de rire devant mon extase. Il m’invita à entrer, j’acceptai. Je n’avais jamais vu une bibliothèque pareille, elle était si grande, si chaleureuse, si…pleine de livre. C’est vrai, je n’avais jamais vu une bibliothèque aussi pleine à craquer. D’habitude, on a encore la place de mettre encore deux ou trois livres sur les étagères d’une bibliothèque, là, encore un, même de dix pages, et les étagères s’écrouleraient. Je pris un ou deux livres – fantastiques et romantique en même temps – et bien sur, ce fût Stephen qui paya, bien que je lui promis de le rembourser. Nous sortîmes de la bibliothèque, sans pour autant nous diriger vers la rue principale, au contraire, nous nous enfoncions de plus en plus dans l’ombre. C’est au carrefour entre quatre rues toutes aussi sombre les unes que les autres qu’il commença : j’avais pris de l’avance sur lui, et quand je m’étais retournée, il n’était plus là. Mon cœur battait si fort qu’on aurait put l’entendre à l’autre bout du monde, et c’est là que je le vis. Tapis dans l’ombre, il me guettait, pour voir chacun de mes mouvements, il me suivait du regard avec précision.

« Je t’aurai. » dit-il avant de me laisser seule dans ces ruelles sombres.



09/02/2010
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