Chapitre 1

Le bruit des pages qui tournaient me faisait quelque chose de magique. J'aurais pu écouter ça pendant des jours et des jours sans m'en lasser. Ce froissement lorsque je caressais les mots, le bruit de mon doigt parcourant les lignes... C'était du Mozart. Parfois, au lieu de lire, je tournais seulement les pages, une à une, jusqu'à ce je ferme le livre.

« Becky, la bibliothèque va fermer.

- Excusez-moi, madame Earhart. Je m'en vais. »

Je rangeais tous mes livres dans mon sac et parti en adressant un signe de la main à madame Earhart. J'admirais cette femme : elle avait écrit des tonnes de livres, et même si elle n'était connue que dans sa ville natale, j'avais les avait tous lus – c'était elle qui me les avait donnés. Elle devait avoir quelque chose comme quatre-vingts ans, mais elle était toujours assise derrière le comptoir de sa petite bibliothèque privée. Je venais tous les jours, après mes cours, alors autant dire que cette femme me connaissait bien. Elle m'offrait un cadeau le jour de mon anniversaire, me souhaitais une bonne fête tous les ans, et savait qu'il ne fallait me sortir de ma lecture que lorsque la bibliothèque allait fermer, un peu avant dix-neuf heures. Elle savait aussi que je ne repartais jamais sans un nouveau livre à lire.

Je me réfugiai donc à la bibliothèque tous les jours jusqu'à dix-neuf heures. Je n'avais envie de me trouver nulle part ailleurs. Ni dehors, ni chez moi. Dehors, il pleuvait neuf jours sur dix, et quand par miracle il ne pleuvait pas, il faisait froid. Chez moi, il y avait ma famille d'accueil. Une famille d'attardés. Cela faisait maintenant deux ans que je vivais chez eux. La mère était une alcoolique, le père un banquier – il ne rentrait pratiquement jamais, et le fils – mon soi-disant petit-frère, écoutait du hard-metal en fumant des joints dans sa chambre. Je me demande encore pourquoi ils ont été autorisés à me garder. Enfin, tout ça pour dire que finalement, le seul endroit bien pour moi, c'était la bibliothèque. J'aurais bien aimé que madame Earhart m'adopte, malheureusement cela ne se faisait pas en claquant des doigts.

Mais je devais rentrer. Je sortis donc de la bibliothèque sous une pluie battante. Lorsque j'arrivais chez moi, une grosse voiture noire attendait devant. Mon « père » sortit de la maison et monta dans la voiture. Ce ne fut que lorsqu'il partit – en m'ignorant royalement, que je vis la jeune et jolie femme à côté de lui. C'était la cinquième que je voyais en un mois. En deux ans...je ne comptais plus. Je marchais jusqu'à la porte d'entrée lorsqu'elle s'ouvrit. La mère sortit – saoule – et marcha vers moi avec un allure de char. J'allais encore passé un mauvais quart d'heure...

Elle me prit par les cheveux et m'entraina à l'intérieur de la maison. J'avais peur, elle n'avait jamais fait ça avant. Elle m'avait pris par le bras, ou par le t-shirt, mais jamais par les cheveux. Et je détestai ça. Je tenais son bras pour qu'elle arrête, mais rien n'y faisait. L'alcool devait décupler ses forces. Lorsque nous passâmes dans le salon, Mon « frère » était assis dans le canapé, mais avec son casque vissé sur les oreilles, il ne m'entendait pas. Et même s'il m'avait entendue, je doutais qu'il me vienne en aide.

Elle ouvrit la porte du placard à balai et me jeta dedans. Comme d'habitude. Elle claqua la porte, la ferma à clef. J'avais l'impression que c'était comme ça tous les soirs.

« Je t'ai déjà dit que je ne voulais plus te voir traîner dans cette maudite bibliothèque. Cette vieille femme n'est qu'une pauvre folle » grommela-t-elle avant de retourner s'asseoir, je supposai, devant sa bouteille.

Il n'y avait pas de lumière dans le placard, je ne voyais rien. Mais l'habitude m'obligeait à toujours garder une lampe de poche sur moi. Je sortis donc ma petite lampe de poche, l'allumai et regardait autour de moi. Des balais, un seau, quelques draps pliés. Il fallait que je m'installe, parce que j'allais y rester toute la nuit. Je pris un drap, l'installai dans un coin sans le déplier. Puis en pris un autre et le positionnait pour faire un dossier. Je m'assis dessus, les genoux repliés contre moi. J'approchai mon sac de moi et pris un des livres qui s'y trouvait. La couverture était usée, et on ne pouvait presque plus lire le titre sur la couverture. J'ouvris le livre pour voir que le titre était « La lumière de Guarih ». Je tournai lentement la page et la chapitre un démarra devant mes yeux :

« La plage était belle ce jour-là. Blonde, lisse, comme si l'île était posée sur la chevelure d'Aphrodite. La mer, quand à elle, était transparente à un tel point que, de la forêt, je pouvais voir les poissons qui nageaient près du sable. Pour compléter ce tableau paradisiaque, le soleil illuminait l'île. Les feuilles des palmiers brillaient, pleines de vie, et le sable nous éblouissait. »

 

 



20/04/2011
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